[Explications] La vision chez les poissons

- Catégories : Pêche et technologie

Je vais traiter ici un article qui me tient à cœur [vous comprendrez facilement pourquoi d’ici la fin ; ) ]
Pas facile cependant d’aborder la vision chez les poissons tant celle-ci semble liée avec les autres sens.
Les sens, parlons-en :
-    La vision, donc,
-    L’odorat
-    L’ouïe
-    Le toucher
-    Le goût

On dit souvent qu’un poisson « voit ». Mais voit-il seulement par ses yeux, comme nous, humains ? La vision se résume-t-elle seulement à la perception d’une image chez une espèce dont la ligne latérale, véritable détecteur de la moindre vibration, monopolise la majorité des connexions nerveuses jusqu’au cerveau ? Et d’ailleurs, est-il possible de voir dans des profondeurs où la lumière ne pénètre quasiment pas ?

Nous nous posons tous énormément de questions sur le sujet, car de ces questions cruciales dépend en grande partie le résultat de nos pêches.
Embarquez avec moi pour une plongée au cœur des sens des poissons !



carpe-surface-gobe

Je te voooois!

Tous les sens mènent à la vision...


Je vais donc commencer par traiter la vision sous un aspect inattendu, en abordant les 4 autres sens du poisson, car ceux-ci ont une importance capitale dans la détection de l’environnement proche des poissons et donc la « vision ».

Passons rapidement sur le goût et l’odorat, car certes, ils sont importants, surtout chez nos cyprins préférés, mais ils interviennent généralement en dernière position dans la chaine de détection. Bon, ok, cela reste discutable dans le cas de la pêche à la bouillette, mais nous ne parlons pas ici spécifiquement de la pêche à la bouillette ; ) .

Les poissons sont doués de goût et d’odorat, et il nous est bien difficile d’imaginer à quel point. Les structures sensorielles et cérébrales rattachées sont totalement différentes de celles humaines, ainsi leur perception est totalement différente de la nôtre.
Et ce pour une excellente raison : un poisson vit dans l’eau !

Tout est entouré d’eau, et il a bien fallu que la lignée animale s’adapte à cette donne. Un poisson doit pouvoir « sentir » et « gouter » dans l’eau.
Les dernières recherches en date ont montré la capacité des poissons à détecter les molécules solubles, notamment les acides aminés.

D’ailleurs, pour les 2 sens, le processus semble être le même : des cellules spécialisées vont capturer les molécules solubles dispersées dans l’eau et transmettre les signaux au cerveau.


Dans le cas de l’odorat, les molécules « odorantes » vont passer à travers les narines pour atteindre les cellules de détection.
Dans le cas du goût, ces molécules vont venir frapper les cellules qui tapissent le pourtour de la bouche.

Les distances de détection sont quant à elles bien différentes. Des expériences menées sur des groupes de poissons avec les nerfs olfactifs coupés ont montré qu’ils parvenaient à « sentir » dans un rayon dans quelques centimètres autour de leur bouche.

Les différences sensorielles semblent cependant importantes selon les espèces : il suffit pour s’en convaincre de regarder l’anatomie des poissons et voir certains posséder un système de doubles narines ou bien encore des barbillons autour de leur bouches.

Bref, pour résumer, un poisson « sent », un poisson « goute », ces sensations l’aident dans sa vision de l’environnement qui l’entoure, mais leur apport n’est que le dernier échelon dans l’ensemble de la chaine de détection et de « vision ».
Ces deux sens recèlent encore de nombreux mystères pour les scientifiques et les études menées à ce sujet sont nombreuses. Nul doute que nous en saurons bien plus d’ici quelques années.


Abordons ensuite l’oreille des poissons. Entendre, pour nous humains, c’est capter les vibrations dans l’air qui expriment un « bruit », un « son ».
Dans l’eau, pas de bruit ou de son à proprement parler, mais bel et bien des vibrations.

Pour nous pêcheurs, il y a 2 aspects qui vont nous intéresser :
-    Les vibrations extérieures à l’eau et qui vont passer la surface
-    Les vibrations générées sous la surface de l’eau

Car parler à voix haute avec son collègue au bord de l’étang n’aura jamais le même impact que courir d’un pas lourd ou bien encore faire tomber un plomb au fond de sa barque. Et que dire des portières de voiture qui claquent ?..

L’ouïe des poissons, elle est double. Elle ne sera pas seulement cantonnée à l’oreille interne, mais sera également l’expression des vibrations perçues via la ligne latérale, cette ligne visible sur le flanc des poissons, petits pores ouverts dans les écailles, et dont les cellules vont réussir à capter la moindre vibration dans l’eau.

Ainsi tout mouvement d’eau va renseigner le poisson sur son environnement proche, et ce sens participe également à la vision qu’il en a.

Qu’il soit proche d’un obstacle, qu’un congénère ou qu'une proie passe devant lui, qu’un fil vibre ou qu’un plomb explose à la surface de l’eau […], tout ça, il le sentira, il le « verra »…

Et oui, le plus dur pour le pêcheur, c’est bien de rester invisible pour le poisson, mais rester « invisible » est sans aucun doute plus difficile que l’on ne veut bien le croire ! Et différent d'une simple donnée visuelle. Camoufler est une chose, mais (se) rendre inaudible en est une autre.



L’œil du poisson


Il est temps de s’intéresser maintenant aux yeux des bêtes à nageoires.

Comme chez la plupart des animaux, et même s’il n’a pas de paupière, il est construit sur un modèle semblable : cristallin, rétine, cornée, rétine etc… Tous ces mots vous parlent, et c’est bien normal, nous possédons les mêmes !

oeil-coupe-schéma

Schéma simplifié d'un oeil



Sans me lancer dans un cours de biologie sur la construction des images dans les yeux, une première différence apparaît cependant : de par sa forme sphérique, le cristallin génère une image située devant la rétine, ainsi les poissons sont myopes !
Et ce cristallin, incapable de se déformer, ne facilite pas la « mise au point » de l’image. Les poissons ne verront nettement que des objets situés à quelques centimètres d’eux.

La rétine, l’écran où se forme l’image pour dire simple, est composée de cellules type « cône » ou « bâtonnet ».
Là encore, pour simplifier et expliquer, les cônes vont permettre la détection des couleurs, les bâtonnets de l’intensité lumineuse.

Ainsi les poissons voient en couleur et ce même dans des conditions lumineuses difficiles.

Or, il est un phénomène à ne pas oublier : les couleurs ne se transmettent pas dans l’eau comme sur la terre ferme, et surtout, certaines s’estompent rapidement !

Le graphique ci-dessous montre comment les couleurs réagissent et s’estompent selon la profondeur :

graphique-couleur-profondeur

Perception des couleurs en fonction de la profondeur




Ainsi le rouge et l’orangé sont les couleurs qui « disparaissent » en premier en plongeant, tandis que le bleu est celle qui se transmet le plus longtemps.

C’est pour cela que dans la plupart des films de plongée sous-marine, tout l’environnement apparait bleu-vert sans rendre les couleurs rouges/oranges de certains objets ou algues, pourtant bien rouges ou oranges !

Alors, plus que de couleur, il est intéressant de parler de contraste. Car si un leurre ou une bouillette rouge ne sera plus rouge dans 6 mètres d’eau, l’objet ne sera pas moins présent, et visible. C’est seulement qu’il apparaitra bleu-vert…

Et un bleu-vert foncé sur un fond noir-sombre n’aura pas du tout le même impact que placé sur un fond blanc-clair…

Cette notion de contraste est rarement utilisée chez les pêcheurs, et pourtant bien leur en prendrait !

Là encore, des études ont été récemment menées et des résultats singuliers ont été obtenus. Le contraste, mais aussi la fluorescence / phosphorescence des objets serait les critères primordiaux pour leur détection par la vue, l’œil, du poisson.

Pour parler en mon nom de rédacteur de cet article, c’est un sujet que je surveille d’assez près et je ne manquerais pas de partager les dernières découvertes dès que je pourrais y avoir accès.


Et les bateaux amorceurs dans tout ça ?


Forcément, vous n’imaginiez pas que j’allais oublier mon objet favori dans cette discussion ?! ; )

Et oui, le sujet me tient à cœur car il permet de mieux comprendre comment utiliser son bait boat de la manière la plus discrète qui soit.

Depuis que Feed’O est disponible, vous avez été nombreux à me poser la question : « pourquoi cette couleur blanche ? », nombreux à ne pas comprendre ce choix de couleur, jusqu’à cette simple explication. La vue du poisson.

En effet, comme je viens de vous l’expliquer, un poisson voit essentiellement par contraste. Une tache blanche sur un fond noir lui sera bien plus visible qu’une tache bleue foncée sur un fond noir.

De plus, un poisson voit flou de loin, et n’oublions pas qu’il reste constamment sur ses gardes, instinct de survie oblige.

Un poisson, nageant entre 2 eaux ou bien posé sur le fond, lorsqu’il va diriger sa vue au-dessus de lui, vers la surface, aura pour fond visuel le ciel, de couleur clair.

Ainsi une tache noire à la surface de l’eau lui sera très bien visible. Et là, vous me voyez venir…


Pour rendre un bateau amorceur le plus discret possible, visuellement parlant, on a tout intérêt à peindre sa coque en blanc, gris ou bleu clair… Et surtout pas en noir ! Et non, une couleur camou au milieu d'une étendue d'eau ne "camouflle" rien...

héron

Ventre blanc et dos gris : en voilà un qui a tout compris!



J’ajoute à ça, mettez-vous 2 minutes dans la tête d’un poisson, et imaginez une grosse ombre noire à la surface de l’eau. A quoi pensez-vous ? Personnellement je pense en 1, cormoran, en 2, danger…

A l'inverse, une grosse tache blanche m'évoquera un cygne, aucun danger à l'horizon pour un cyprin, si petit soit-il.

Voilà pourquoi Feed’O et tous les bateaux de la gamme FiD sont et seront proposés en blanc, parce qu’il s’agit de très loin de la couleur la plus discrète et la moins synonyme de danger pour un poisson.


Enfin, petit aparté mais qui s’inscrit tout à fait dans la dernière partie de cet article et comment rendre un bateau amorceur le moins visible possible, les « vibrations » causées par l’embarcation radio-commandée. On aura tout intérêt à aller le moins vite possible pour générer le moins possible de perturbations à la surface de l’eau.
Le passage d’un offshore plusieurs fois par jour au-dessus de votre spot favori ne pourra avoir qu’un impact négatif sur votre pêche.



Pour conclure



En conclusion de cet article, je dirais donc que la vision chez les poissons n’est pas liée qu’à un seul sens, c’est un processus complexe qui va recouper ensemble aussi bien l’odorat que l’ouïe, et donc la vue à proprement parler.
Le fait de baigner dans un liquide change considérablement la perception et il est bien difficile pour nous humain d’imaginer tout cela.
Nous avons longtemps cru que les animaux aquatiques étaient aveugles, sourds, muets (ne dit-on pas « muet comme une carpe ? » ) mais les récentes études scientifiques nous montrent dorénavant tout l’inverse. Nul doute que les prochains mois accoucheront de nouvelles découvertes et nous donnerons encore d’autres éléments pour comprendre un peu mieux le comportement de nos compagnons de jeu.

Enfin, puisqu’il me faut bien parler bateau amorceur, pensez différemment, mais pensez discret ; )





Neurobiology: Hydrodynamic stimuli and the fish lateral line, Nature 408, 51-52 (2 November 2000) doi:10.1038/35040706, J. Engelmann, W. Hanke, J. Mogdans & H. Bleckmann

A blind fish can school, Science  26 Nov 1976: Vol. 194, Issue 4268, pp. 963-965 DOI: 10.1126/science.982056, TJ Pitcher, BL Partridge, CS Wardle

Comparison of functional and anatomical estimations of visual acuity in two species of coral reef fish, J Exp Biol. 2017 Apr 21. pii: jeb.149575. doi: 10.1242/jeb.149575. [Epub ahead of print], Parker AN, Fritsches KA, Newport C, Wallis G, Siebeck UE.

Red fluorescence of the triplefin Tripterygion delaisi is increasingly visible against background light with increasing depth, R Soc Open Sci. 2017 Mar 22;4(3):161009. doi: 10.1098/rsos.161009. eCollection 2017, Bitton PP, Harant UK, Fritsch R, Champ CM, Temple SE, Michiels NK.

Electrosensory capture during multisensory discrimination of nearby objects in the weakly electric fish Gnathonemus petersii, Sci Rep. 2017 Mar 3;7:43665. doi: 10.1038/srep43665, Schumacher S, Burt de Perera T, von der Emde G.

The lateral line can mediate rheotaxis in fish, Nature 389, 960-963 (30 October 1997) doi:10.1038/40135; Received 1 March 1997; Accepted 1 August 1997, John C. Montgomery, Cindy F. Baker and Alexander G. Carton1

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